LA FILLE AU VISAGE D'ANGE

 

   D'habitude, pour me rendre là où j'allais ce jour-là, j'empruntais le bus 83 à la gare nord d'Adjamé. Étant assis au quai de ce dernier, je remarquais un 86 qui chargeait. Je sautais donc dans celui-là, qui démarra aussitôt en direction d'Akouédo village, sa destination finale.

    L'itinéraire du 86 nous amenait à Adjamé Forum. Là-bas, une passagère particulière que j'ai surnommé "la fille au visage d'ange" monta à bord du bus avec un bébé sur son dos. Elle était accompagné d'une femme qui portait aussi un bébé et aussi de deux autres garçonnets qui se ressemblaient trait pour trait. 

   Visiblement, j'étais face à une mère très pauvre et ses cinq enfants, une fillette et deux paires de jumeaux. La fille au visage d'ange accompagnait sa mère dans son activité de mendicité. Le visage de cette petite montrait une enfant dans la tranche d'âge de 8 à 10.

   Elle s'est accrochée à une des barres en fer du bus pour maintenir son équilibre. Le poids de l'enfant sur son dos était au-dessus de sa force, mais cela ne semblait la préoccuper. Une scène à côté avait attiré toute son attention. C'était deux petites filles comme elle, mais qui n'étaient pas habillées comme elle, deux élèves joyeuses du secondaire vertues de bleu-blanc. 

    Sur son visage intense et apaisant, je pouvais lire un désir ardant. J'avais le cœur meurtri mais la petite au visage d'ange n'était pas triste. À sa place, je l'aurai été donc pourquoi pas elle ? Avait-elle espoir d'un avenir prometteur ou s'était-elle résignée à un destin sombre?

    Sans m'en rendre compte, nous étions déjà à la Riviéra 2, j'étais à mon arrêt. je descendis en laissant derrière moi la fille au visage d'ange et ses camarades élèves. En descendant, j'avais une chose en tête dont j’en étais sûr. C’était le droit à l'éducation pour chaque enfant.  

   Comme tous les enfants, cette petite avait aussi le droit de porter l'uniforme scolaire qui lui faisait tant rêver debout, même si elle était pauvre, même si sa mère était une mendiante et même si elle n'était pas d'origine ou de nationalité ivoirienne.